Histoire
« HEUREUX POUR TOUJOURS » A ÉTÉ INVENTÉ POUR LES LIVRES DE CONTES AFIN QUE LES ENFANTS ATTEIGNENT L’ÂGE DE SE REPRODUIRE SANS SE SUICIDER.
Trop jeune. Pas d’argent. On essayait de toujours de me faire croire que si ma mère m’avait abandonné c’était pour m’offrir un plus bel avenir. Je crois que je ne l’ai jamais vu cet avenir. Mon enfance n’a été qu’une succession de déceptions. Vivre dans un foyer c’est pas une colonie de vacances. On se dispute, on se bagarre, on se fait voler ses affaires et parfois maltraiter. Je n’ai plus eu ce genre de problèmes au moment où j’ai commencé à parler avec mes poings. Je n’avais pas de famille, personne sur qui compter. Je suis devenu cynique, sûrement un peu trop jeune. C’était beau l’Australie, mais il n’y avait rien pour moi là-bas. A part la mer. Je pouvais y passer des heures. Juste rester assis à regarder les vagues s’éclater contre le sable. La seule chose capable de me détendre. Je n’allais pas toujours à l’école, j’avais tendance à répondre. Le cliché du gosse en colère parce qu’il a manqué d’amour. Une colère que j’arrivais parfois à oublier quand je boxais. J’ai mal tourné, mais ce n’était pas tellement une surprise. Je ne fréquentais pas les bonnes personnes, je vendais de la drogue. Et personne ne me posait de questions. J’étais livré à moi-même. J’avais beau dire que je n’en n’avais rien à foutre de ne pas avoir de parents. Mais c’était faux. J’avais besoin de retrouver ma mère, de lui poser des questions, de la confronter. Et pour ça, il fallait aller en Corée. Le pays de mes origines. On m’avait donné son adresse, à ma majorité. Alors je suis partie. Avec les seuls bagages que j’avais. Un sac à dos et un paquet de clopes.
ON GASPILLE LES PLUS BELLES ANNÉES DE NOS VIES DANS CE TROU.
Ce n’était pas comme je me l’imaginais. Je croyais qu’en arrivant, j’irais directement frapper à sa porte, mais j’avais eu la trouille. J’ai vécu plusieurs mois dans un hôtel miteux en vivant sur mes économies mais j’allais être à sec. Je n’avais aucune envie de pioncer dehors. Je ne parlais pas la langue, je n’avais pas de diplômes, et on me regardait de travers avec mes tatouages. Difficile de trouver un boulot avec ma gueule de délinquant. J’ai fait quelques rencontres, toujours aussi mauvaises, mais qui me rapportait de la thune et c’était tout ce qui m’importait. Je vendais un peu de drogue, je tabassais quelques personnes qui nous devait un peu trop d’argent. Ce n’était pas si mal. Jusqu’à ce soir-là. Je l’avais fait pour impressionner pour une fille. Je me trouvais cool avec mon flingue et puis ça ne devait durer que quelques secondes. Braquer le caissier, prendre l’argent et sortir. Les choses ont mal tourné, je me suis fait chopper. Verdict. Huit ans. Huit ans derrière les barreaux. Je ne faisais pas tellement le malin au début au milieu des malfrats. J’ai appris à me défendre, à me soumettre, à manger de la merde et à obéir. J’ai continué la boxe, le sport, et tout ce qui me permettait d’oublier que je n’avais plus de libertés.
TU CONNAIS LA DIFFÉRENCE ENTRE LA PEINE ET LA SOUFFRANCE ? LA PEINE C’EST UN TRUC PERMANENT MAIS LA SOUFFRANCE C’EST RIEN D’AUTRE QU’UN CHOIX.
Huit ans sans baiser, ça me semblait compliqué, alors j’ai foutu mes doutes de côtés et je me suis laissé faire. Ce n’était pas de l’amour. Juste un besoin à assouvir. Je m’étais habitué à cette vie. J’avais des amis, des ennemis, un endroit où dormir. Et je n’avais plus de questions à me poser concernant ma mère. On m’a dit que je sortais plus tôt. Deux ans plus tôt. Je n’étais pas prêt pour ça. Pour retrouver un monde que j’avais oublié. La liberté. Et la possibilité de refaire des conneries. Je dors sur le canapé de mon ancien co détenu. Quelques billets en poche. Impossible de trouver un job avec mon casier. Et pourtant j'en ai besoin. En six ans, je n'ai réussi qu'à cumuler une seule année de vie. Je réapprends à vivre en société. Je réapprends à vivre tout court.