Everything about you [Cassmin]

Le stage se terminait et Cassandre avait observé, comme toujours. Il parlait un peu trop, mais il n’en n’était pas moins attentif. Hyomin était un gentil garçon, attachant, et les enfants semblaient l’apprécier à leur manière.  Tout le monde n’avait pas la patience nécessaire pour ce boulot. Parce qu’il fallait comprendre la différence, découvrir des moyens de communication, différents pour chacun d’eux. Un sourire était une victoire, et le blondinet savait s’en contenter. Le plus jeune l’avait soulagé dans ses journées. Il rentrait moins fatigué et avait plus de temps à consacrer à son petit ami. Et il n’y avait rien qui pouvait le rendre plus heureux que d’être avec Minki. Il n’avait pas eu grand-chose à lui enseigner, à part rester sans arrêt sur le qui-vive. Certains ne contrôlaient pas leur geste, encore moins leur violence et il pouvait en témoigner. Il ne s’était pas pris qu’un seul livre en plein visage. C’était récurrent, mais avec le temps, il avait appris à éviter les accidents. Il n’avait pas tellement eu le temps de lui faire la conversation, alors il lui avait simplement proposé d’aller boire un café après la fermeture du centre. Cassandre était curieux, parfois un peu trop, mais il aimait connaître la vie des autres. Parce qu’on l’avait tenu à l’écart du monde bien trop longtemps.

« Alors ? T’en as pensé quoi de ce stage ? J’espère que tu parleras de moi dans ton rapport. Le beau et grand Cassandre !» Il riait doucement, toujours de bon cœur. Il plaisantait. Il n’attendait aucune gratitude, il faisait simplement son job, et il le faisait plutôt bien. Il glissait ses mains dans la poche de sa veste. Le temps s’était rafraîchit, et il avait la trouille de tomber malade. Pour lui ce ne serait jamais juste un rhume ou un petit coup de fatigue. Il avait toujours l’impression que la maladie le guettait, prête à le faucher à nouveau. Une peur irrationnelle mais qui ne le quittait jamais. « Tu t’en es bien sorti je trouve. On prend pas beaucoup de stagiaire, ils baissaient les bras trop rapidement.» Et il pouvait le comprendre.  Le blond poussait la porte du café et rêvait déjà d’un bon chocolat chaud. « Qu’est-ce que tu veux boire ? » Il se demandait s’il pourrait ramener un café à Minki. Ça ne remplacerait clairement pas l’alcool, c’était simplement une petite attention. « On était assez occupé, alors j’ai pas eu le temps de te faire un interrogatoire ! » Cette fois ci, il était sérieux. « T’as quelqu’un dans ta vie ?» Cassandre aimait les  histoires d’amour, et il n’avait aucune honte à poser ce genre de question de façon aussi directe. Hyomin était mignon, il devait sûrement faire tourner quelques têtes. Et il n’avait pas l’air aussi timide qu’il le laissait paraître. Il s’en était rendu compte durant son stage. Pas le genre à attendre dans un coin qu’on vienne le chercher, il s’était proposé immédiatement pour l’aider. Le garçon était volontaire, et doué. Il manquait juste un peu d’expérience.

L'idée de son stage avait surpris pas mal de ses camarades de cours et professeurs. Un centre pour enfants autistes ? Aucun rapport avec la littérature. Sauf pour Hyomin. Si la majorité des étudiants de son cursus cherchaient à devenir écrivains, professeurs de lettre ou critique littéraire, lui voulait devenir professeur des écoles. Pour cela il n'y avait pas un million de méthodes, l'une d'entre elles étant d'obtenir un diplôme avant de passer des concours. C'est celle qu'il avait choisi. Plutôt que de passer des années à étudier l'histoire ou les mathématiques, Hyomin s'était porté sur la littérature. Plus varié, plus intéressant selon lui. Pour ce stage il avait voulu aller dans une école, et s'était présenté à ce centre. Il ne cherchait pourtant pas à travailler avec des enfants handicapés dans le futur, mais il avait été curieux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce travail est épuisant nerveusement. Les enfants ne sont pas des monstres bien sûr, mais il faut toujours les surveiller, faire attention. Cela demandait énormément de concentration et Hyomin n'était pas certain d'avoir ce qu'il fallait pour faire ça. Il admirait Cassandre, qui après une longue journée gardait malgré tout le sourire. Il avait volontiers accepter son invitation à boire un café. Il ne connaissait pas grand monde Hyomin, les gens ont tendance à le fuir dès qu'il aborde le sujet de sa maladie, alors ça lui ferait du bien. Surtout que le plus âgé ne semblait pas être le genre de personne à se préoccuper de ce genre de choses. Il avait l'intuition que le blond ne le repousserait pas même s'il savait.

« C'était... épuisant. Mais très enrichissant. C'est le moins qu'on puisse dire. » Un rire léger s'échappa de ses lèvres avant qu'un air taquin ne se grave sur son visage. « Je parlerai de toi c'est sûr, mais je ne pense pas que j'emploierai ces termes. Fais attention à tes chevilles hyung. » Il tirait instinctivement sur les manches de son blouson pour couvrir un peu plus ses doigts tandis qu'ils marchaient, tranquillement, après avoir quitté le centre. « C'est vrai, tu le penses ? »  Il relevait la tête vers lui, le regard innocent. Hyomin n'avait pas trouvé ce stage catastrophique, mais il ne pensait pas non plus avoir été particulièrement bon. « Disons que c'est assez difficile. Honnêtement je ne pense pas que je pourrais en faire mon métier. Mais ça me réconforte dans mon idée de devenir professeur des écoles. Ça me plairait vraiment. »
Ils entraient dans le café déjà bien rempli, et tout comme son ami, Hyomin savait pertinemment ce qu'il allait prendre. « Un caramel macciato s'il te plaît. » Toujours la même chose, sans arrête. Presque. Parfois il osait prendre un frappucino caramel. Une petite folie. Cassandre commandait et payait pour les boissons, et il ne manqua pas de le remercier tandis qu'ils se dirigeaient vers une table pour deux dans un coin de la salle. C'était toujours plus agréable pour discuter que de se trouver au milieu du brouhaha ambiant. « Un interrogatoire carrément ? N'est ce pas un peu trop violent ? » Ça ne le dérangeait pas en soit. Hyomin n'avait rien à cacher, à part peut être sa maladie. Mais comme il avait l'impression qu'il pourrait aussi en parler à Cassandre... Il ne se tairait pas sur grand chose. Il s'assit, bu une gorgée de son café brûlant et grimaça légèrement, manquant de se brûler la langue avant de papillonner des paupières à sa question. Pour un interrogatoire Cassandre démarrait fort. « Heu non. J'aimerai déjà pouvoir me faire des amis avant de penser à ça.. Je n'en ai pas vraiment. » Il pianotait ses doigts sur son gobelet, silencieux un instant avant de reprendre. « Je pense que chaque chose vient en son temps... et toi hyung ? Tu as quelqu'un ? » Lui aussi pouvait avait le droit de poser quelques questions non ?

Ce métier était une vocation, et Cassandre avait toujours eu un côté patient et très à l’écoute des autres. Très à l’écoute de Minki surtout. Il était heureux de voir que même si Hyomin ne voulait pas en faire son métier, il s’était impliqué. Réellement. Il avait eu le droit aux cris, aux pleurs, aux silences qui voulaient pourtant dire beaucoup. Et Il n’avait pas flanché. Le plus jeune devait être soulagé d’avoir terminé son stage et le blond voulait le remercier pour son aide qui était la bienvenue. Lui offrir un café était la moindre des choses. Il n’avait pas eu le temps de le faire avant, parce qu’il n’arrivait pas à laisser son petit ami seul trop longtemps. Il avait peur qu’il replonge, qu’il se mettre à boire sans pouvoir s’arrêter. Il ne voulait pas le retrouver à moitié mort sur le sol du salon. Aujourd’hui, il avait envie de croire qu’il pouvait s’accorder une petite pause. Que l’homme de sa vie n’allait pas faire n’importe quoi. Parce qu’il lui avait promis.  « Oui il faut rester sur ses gardes constamment, c’est fatiguant. Mais si tu ne le fais pas, tu vas te retrouver avec des bleus. Je pense que ça devient une habitude. Au final tu finis par connaître les enfants et c’est plus simple d’anticiper leur réaction. » Mais ce n’était pas toujours infaillible. Cassandre baissait la tête pour regarder ses pieds et ses chevilles dissimulés sous son jean.  « Pour le moment j’ai l’impression que ça va. Mais j’aimerais bien lire ton rapport de stage. Vraiment. » Comprendre comment il avait appréhendé ces quelques semaines et la manière dont il allait l’aborder. Il n’avait pas eu la chance de pouvoir suivre des études, la maladie ayant bouffer la plupart de ses années de vie.

 « Professeur des écoles, c’est un joli métier aussi. Je suis sûr que tu t’en sortiras encore mieux. Gérer des enfants autistes, ça n’a rien à voir, c’est bien plus compliqué. Tu es doux, alors il ne faudra pas te laisser marcher sur les pieds. » Tout était une question d’expérience. Le blondinet passait commande et suivait Hyomin jusqu’à une table en retrait. Il réchauffait ses mains autour de son gobelet, et un petit rire lui échappait.  « Un interrogatoire pas trop poussé alors. Je ne voudrais pas te traumatiser. On m’a souvent dit que je posais des questions parfois un peu déplacées. » Mais il était comme ça Cassandre. Sans filtre. Il fronçait les sourcils. Pas d’amis ? Comment est-ce qu’un garçon comme lui pouvait se retrouver seul.  « Comment ça se fait ? T’as pas grandi ici ? T’es trop timide ? Et puis ne pas avoir d’amis n’empêche pas de tomber amoureux ! » Il en savait quelque chose. Il venait à peine d’arriver en Corée quand il était tombé sur Minki. Il n’avait pas encore eu le temps de faire d’autres rencontres avant lui.  « Mais... T’as déjà eu quelqu’un dans ta vie ? » Question bien plus indiscrète que la précédente. Ce n’était pas pour le juger, juste pour essayer de mieux le cerner. Il buvait une gorgée de son chocolat et poussait un petit soupire de bien-être.  «  Oui j’ai un homme dans ma vie. » Il souriait, parce qu’il n’avait jamais dissimulé son homosexualité et qu’il pouvait passer des heures à parler de Minki.  « J’envisage de l’épouser. Dans mon pays. » Le genre de conversation qu’il n’avait jamais eu avec le concerné, parce qu’il était trop tôt pour aborder ce sujet, mais Cassandre savait au fond de lui, qu’il finirait sa vie à ses côtés.

« Oui je suppose, ça me paraît logique. Et puis il ne sont pas toujours violents, heureusement. La plupart du temps je les ai trouvés calmes. » Il souriait doucement. HyoMin n'avait absolument pas l'habitude de côtoyer des personnes malades mentalement. Encore moins des enfants. En Corée c'est quelque chose d'assez tabou, les gens n'en parlent pas, comme s'ils n'existaient pas. C'était dommage, idiot et cruel. Il taquinait parce que Cassandre plaisantait de toute évidence, du moins il l'espérait. Alors il continuait sur la même longueur d'ondes, sourire aux lèvres. « Je reviendrais pour te le présenter alors, ça ne me dérange pas. Je dois le rendre à la fin du mois, du coup je repasserai au centre dans ces eaux là. » Il hochait la tête pour appuyer ses propres paroles. Il ne savait pas ce que Cassandre avait pu traverser, ni la raison pour laquelle il voulait lire son dossier. Il prenait ça pour de la simple curiosité, de l’intérêt à ce qu'il pensait peut être..
« Effectivement ce sera certainement un peu plus simple; Mais ne t'en fais pas, j'ai l'air doux au premier abord, mais je sais montrer du caractère quand il le faut. Je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. » Il avait l'habitude qu'on lui dise ce genre de chose. Hyomin avait conscience qu'il donnait l'impression d'être quelqu'un de très calme, de doux et concilient. Surtout quand il souriait, avec ce visage de bébé qu'il n'assumait pas toujours. Pourtant derrière ce masque qu'il portait involontairement se cachait un jeune homme sûr de lui, de ses positions et de ce qu'il voulait. Refusant d'être prit pour un petit être fragile et qu'on lui manque de respect. Sans être froid et méchant il savait se montrer direct et ferme.

Ils s'installaient après avoir passé commande, et les mots du plus âgé le faisaient rire. Un interrogatoire, il ne s'attendait pas à ça. Pourtant il commençait petit à petit à cerner Cassandre. « Hyung ça ne me rassure pas vraiment ce que tu dis. » Il riait ouvertement, sans le cacher et portait ensuite son café à ses lèvres. « Mais je n'ai pas grand chose à cacher alors ça ne me dérange pas. Je ne pense pas que tu puisses me traumatiser. » Il pinçait les lèvres ensuite. Il n'avait pas grand chose à cacher en dehors de sa maladie et pourtant il venait de l'avouer à demi mots. Il avait parlé sans réfléchir et voilà que le blond se posait quelques questions ; légitimes. « Si j'ai grandit ici, non je ne suis pas timide. Mais.. » Il soupirait doucement. Pitié, se dit il. Faites que Cassandre ne soit pas comme toutes les personnes qu'il avait rencontré. « J'ai une maladie des os. Ils se cassent facilement. Dès que les gens l'apprennent, ils restent gentils. Mais je ne suis plus invité dans les soirées, et ils se comportent avec moi étrangement. » Il rougissait faiblement ensuite, baissant les yeux vers sa tasse. Tomber amoureux... Il n'y avait jamais réfléchi vraiment, pour lui ça passait au second plan en quelque sorte, trop occupé à vouloir d'abord se faire des amis. « C'est vrai. Si je tombe amoureux un jour tant mieux, mais je t'avoue que ce n'est pas ma préoccupation principale. »
Il s'apprêtait à boire une nouvelle gorgée de café quand Cassandre lui reposa une question et il secoua la tête. « Le néant. Mais.... c'est pas trop grave. J'espère. » Il préférait ne pas penser à tout ça en général. N'avait jamais connu l'amour. Cassandre avouait son homosexualité avec une telle aisance. Hyomin redressait la tête et l'observait avec de grands yeux, surpris. Et puis il souriait sans rien dire. C'est vrai que bien qu'il ait des origines Coréennes, Cassandre avait toujours vécu aux Etats Unis. « Oh vraiment ? Ça doit être du sérieux alors. Si c'est ce que vous voulez vous avez bien raison. Ce n'est pas en Corée qu'on peut s'exposer sans peur des répercutions.. »

Calmes. Est-ce qu’ils l’étaient vraiment ces gamins enfermés dans leur silence ? Sûrement pas par choix. Cassandre avait toujours une relation particulière avec les enfants. Sa patience et sa douceur y étaient pour beaucoup. Il attendait avec impatience de pouvoir lire tout ce que son stagiaire allait écrire. Tout ce qu’il avait perçu en entrevu d’un œil totalement objectif. Tout ce qu’il avait pu ressentir auprès de ces enfants. Pour lui permettre de s’améliorer. Ce n’était pas juste une taquinerie, il comptait sur lui pour sa franchise.  « J’ai vraiment hâte de le lire ! Tout le monde sera content de te voir je suis certain ! Ils ne sont pas doués pour exprimer leur émotion, mais ça ressent. Ils t’aiment bien» Le blond faisait preuve d’empathie, sûrement un peu trop, mais il avait appris à s’ouvrir au monde. Il souriait attendri par Hyomin. Il avait du caractère, c’était certain, mais il aimait cette façon qu’il avait d’être humble.  « J’aimerais bien voir ça tiens ! Un petit Hyomin en colère. Je suis sûr que tu serais adorable en plus.» Comme il trouvait Minki adorable quand il s’énervait. On pouvait dire que l’amour l’aveuglait, mais il était très conscient de qui était Minki. Cassandre aussi était capable de hausser le ton. Peut-être qu’il se ressemblait un peu dans le fond. Parce qu’ils avaient l’air fragiles mais ils étaient bien plus forts que la plupart de ceux qui les critiquaient.

Le blondinet n’avait absolument rien de rassurant quand il se laissait dévorer par sa curiosité. Mais le plus jeune riait et c’était bien suffisant.  « C’est que tu ne me connais pas encore assez bien si tu imagines sortir indemne de ce moment passé avec moi. » Minki avait failli devenir fou à cause de lui, et il n’avait aucun regret. Sa persistance agaçante avait payé pour une fois.  « Pas grand-chose à cacher... Donc y’a un truc... » Il l’observait longuement, humant l’odeur de son café encore trop chaud. Et il ne s’attendait pas à ce que Hyomin se livre aussi facilement. Un sourire tendre restait accroché à ses lèvres alors qu’il l’écoutait, qu’il le comprenait. Mieux que personne. La maladie lui avait volé une partie de sa vie. Il avait gagné, alors qu’il avait pourtant failli baisser les bras. La douleur constante, trop intense pour envisager de continuer à respirer.  « Les gens ne savent pas comment se comporter face à la maladie. Ils ont peur. Peur de te blesser, de te perdre et ils en deviennent étouffant. C’est humain. Quand tu ne le vis pas, c’est difficile à imaginer tout ce que tu peux ressentir.» Il avait quitté son pays, sa famille pour oublier. Pour ne plus avoir à supporter leurs regards craintifs et leurs gestes toujours trop tendre. Il avait supplié Minki de ne pas le surprotéger.  « Je ne vais pas changer mon attitude envers toi. Si tu te blesses, tu l’assumeras. J’ai côtoyé beaucoup de gens malades.»Il avait perdu ses amis. Beaucoup trop.

Cassandre avait connu l’amour très tôt. Et il ne l’avait pas quitté jusqu’à sa rémission. Et puis il y avait eu ce type ronchon qui avait tout renversé sur son passage. Sans lui, il n’y avait plus de raison de vivre.  « C’est jamais grave de prendre son temps et de ne pas se précipiter avec n’importe qui. » Ce n’était pas une course. Il faisait tourner sa tasse entre ses doigts. A chaque fois qu’il parlait de Minki son cœur s’emballait, comme la première fois qu’il avait croisé son regard. Il l’aimait, chaque jour un peu plus, envahi par la chaleur de son sourire, de ses regards.  « Je pourrais m’exposer ici, mais je ne veux pas lui causer de problème. Tu peux le dire. C’est du sérieux. » Un petit clin d’œil, comme il savait si bien le faire. Il était heureux Cassandre.  « Mais... Sinon... Tu l’imagines comment ta vie ? Qu’est ce que t’aimerais ? » Il voulait connaître ses rêves.